Arnaud Desplechin, son Roubaix cinématographique
Publié le 14 mai 2019|
Rendez-vous est pris entre deux scènes de tournage dans les salons d’un hôtel. Le cinéaste est venu filmer son 12ème long-métrage à Roubaix en décembre 2018. Un échange tout en chuchotements qui le dégage quelques instants des rouages millimétrés et rythmés de la réalisation.
En plus de 30 ans de carrière, Arnaud Desplechin, amoureux du cinéma d’auteur, a été nommé 56 fois dans des festivals et a obtenu plusieurs prix dont le prix Louis-Delluc en 2004 pour Rois et Reine et l’Etoile d’Or du réalisateur pour Un conte de Noël en 2009. En mai 2019, l’habitué de la Croisette est revenu au prestigieux Festival de Cannes pour son nouveau film : Roubaix, une lumière. Cinq de ses longs métrages ont été tournés à Roubaix, ville où le cinéaste a vécu et étudié jusque l’âge de 17 ans. Ville à laquelle il est toujours très attaché pour l’identité meurtrie qu’elle lui inspire : « Jeune homme, j’ai eu besoin de fuir cette ville, de m’arracher à mes racines. J’ai intégré l’école de cinéma l’IDHEC à Paris et dès mon premier moyen métrage La vie des morts, j’ai souhaité revenir tourner ici comme pour livrer quelque chose qui vienne de mon passé, de ma vie, de moi. Je reste fasciné par cette ville, par les signes d’un passé industriel très prospère alors qu’aujourd’hui, la réalité n’est plus la même. Il y a comme un devoir, une fierté à résister et à revenir. »
« Jeune homme, j’ai eu besoin de fuir cette ville, de m’arracher à mes racines. »
Un point de vue intellectuel humain
Roubaix, une lumière relate un fait divers inspiré par un vrai meurtre commis par deux jeunes femmes alcooliques et toxicomanes en 2002, interprétées par les actrices françaises Léa Seydoux et Sara Forestier. Le commissaire Daoud incarné par Roschdy Zem mène l’enquête, sillonne la ville qui l’a vu grandir. Voitures brûlées, altercations… Et ça ne s’invente pas, certaines scènes ont été tournées dans une courée qui porte le nom de… Desplechin.
Le film met en scène un monde en crise et se charge d’une mission : rendre leur humanité aux coupables. Au réalisateur de préciser : « Je n’ai pas de propos sociologiques ou même politiques. Mes deux héroïnes viennent d’un milieu socialement très dur, elles ont un destin tragique. Et pourtant une lumière scintille en elles. Quelque chose de l’ordre de l’amour qui transcende le poids de la réalité. Des soubresauts magnifiques. » A Cannes, le film est en compétition face aux grands noms du cinéma : Xavier Dolan, les frères Dardenne ou Ken Loach.
« Mes deux héroïnes viennent d’un milieu socialement très dur, elles ont un destin tragique. Et pourtant une lumière scintille en elles. »
Un cérébral fidèle et romanesque
Inspiré par les réalisateurs de la Nouvelle Vague, et surtout par François Truffaut dont il connaît au moins dix films par cœur, Arnaud Desplechin est un cinéaste souvent jugé pour son intellectualisme, pour ses personnages complexes, souvent opaques. Mais c’est surtout un homme singulier, ouvert aux fantômes et empli d’une belle lumière.
Cinéaste fidèle à ses acteurs, Arnaud Desplechin lance et met en lumière Mathieu Amalric dans La Sentinelle en 1992. Lui et son acteur fétiche font partie de ces couples fusionnels au cinéma : depuis 1992, ils ont tourné sept films ensemble. Il en reste une constante et une longue histoire qui se nourrit au fil des années, faisant évoluer les personnages de Paul Dedalus et d’Ismaël Vuillard (incarnés par Amalric) de films en films. Ces héros récurrents contribuent à créer l’ampleur romanesque du cinéaste.
La discussion aurait pu continuer encore… Trop rapidement, l’entrevue se termine. Le tournage doit reprendre. Les équipes sont en place devant la patinoire face à l’hôtel de ville. Au moment de l’au revoir, le visage d’Arnaud Desplechin rayonne. La rencontre appuyée sur l’évocation de nombreux souvenirs liés à Roubaix semble avoir galvanisé le cinéaste. Malgré la nuit noire, le froid et les contraintes techniques, son Roubaix est très attachant et toujours bien vivant. Et ça se voit à l’écran.
Les coups de cœur d’Arnaud Desplechin
Le Parc Barbieux
Nous y avons tourné une scène. Mon rêve est de réussir à y faire un plan du tram vu du parc. Je n’y suis toujours pas parvenu !
Esther
Dans Trois souvenirs de ma jeunesse tourné à Roubaix. Ce personnage est inspiré par une jeune Roubaisienne rencontrée à la fin des années 70.
L’escrime
Je faisais partie du club d’escrime et chaque 14 juillet, nous défilions avec nos fleurets dans les rues de Roubaix. J’en garde un souvenir émerveillé.
Bio expresse
- 31 octobre 1960 : naissance à Roubaix
- 1984 : sort diplômé de l’IDHEC, section « Réalisation et prises de vues »
- 2008 : Un conte de Noël, tourné à Roubaix
- 2015 : Trois souvenirs de ma jeunesse, avec encore, Roubaix en toile de fond
- 2019 : sélection au 72e Festival de Cannes pour Roubaix, une lumière
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Arnaud Desplechin et Roschdy Zem tournent à la patinoire pour les besoins d'une scène du film "#Roubaix, une lumière" 🎥 Nos plus belles photos sur https://t.co/z6PuGGNCkz pic.twitter.com/uvcLrvdRyM
— Ville de Roubaix (@roubaix) 15 décembre 2018