[PORTRAIT] Marie-France Jaskula, une foi à faire revivre l’église de l’Alma
Publié le 23 mars 2021|
L’église Saint-Joseph aurait pu être démolie il y a trente ans. C’était elle ou Saint-Antoine, au Fresnoy. Le sort hésitait. C’était sans compter sur la détermination, les heures de travail et la générosité de Marie-France Jaskula. L’édifice rouvre en avril, magnifié.
La première fois que Marie-France Jaskula a mis les pieds à Saint-Joseph, c’était pour l’enterrement de sa grand-mère. « J’avais 10 ou 11 ans. Je ne me souviens pas de grand-chose, si ce n’est que cette église m’a paru être un gros machin. » Elle habite au Fresnoy et dans sa famille, on est catholiques par tradition. « On faisait les baptêmes, les communions mais on ne parlait de la foi que de manière retenue. » Du moins, sa mère. « Papa était policier. Il n’était pas très croyant. »
Marie-France, à 14 ans, commence à travailler comme vendeuse. « Comme le patron oubliait de me payer, je suis allée travailler dans les œufs. » C’est là qu’elle rencontre Jean-Marie Jaskula. Et c’est une évidence pour eux de se marier à l’église et de baptiser leurs trois enfants. Lorsque l’aîné débute le catéchisme, un prêtre demande de l’aide à Marie-France, devenue nourrice. Cette fois, elle remarque l’intérieur de Saint-Joseph : les moisissures sur le plafond comme ses murs noircis. « Jusqu’alors pour moi, l’église, c’était réservé aux riches. Moi, je venais d’un milieu ouvrier. » A Saint-Joseph, elle trouve sa place.
Il y a des gens qui sont en deuxième ligne mais dont la place est primordiale. Ils forment la cheville ouvrière qui porte tout.
Une cheville ouvrière
« Joseph, c’est quelqu’un qui me parle. Il est humble. Il y a des gens qui sont en deuxième ligne mais dont la place est primordiale. Ils forment la cheville ouvrière qui porte tout. » Elle se charge du nettoyage de l’édifice qui prend l’eau et du catéchisme. « Le prêtre m’a dit que je pourrais suivre une formation d’un an, ça en a duré 5 ! » Marie-France Jaskula va au centre de formation des animateurs en pastorale. « Ca a été quelque chose d’important dans ma vie. Je n’avais jamais eu de diplôme, et là, j’en ai un. »
Elle devient salariée à temps partiel de l’église et créé des colonies de vacances pour les enfants du quartier qu’elle nourrit de repas frais. Surtout, elle alerte du mauvais état de l’édifice religieux tout en assurant des visites guidées de celui-ci. « Je ne la présente pas comme un guide, mais comme une croyante. Cette église porte des valeurs fortes : la famille, la foi, le travail. »
Elle a été bâtie, à la fin du XIXe siècle, pour s’intégrer aux maisons de la rue de France. Le canal de Roubaix venait d’être ouvert et avait fait naître de nombreuses usines textiles tout autour de lui. « Il y avait une solidarité entre les ouvriers roubaisiens et les flamands. Le patronat essayait de leur donner un certain confort, se disant qu’un employé mieux considéré est un employé qui travail mieux. » Grâce à eux naît ce bijou néogothique. « Chaque détail est un catéchisme du regard. »
Une dispute salutaire
En 1993, l’église est classée aux Monuments historiques. L’association des Compagnons de Saint-Joseph voit le jour dix ans plus tard pour la préserver et la faire rayonner. Mais en 2007, une tempête fait exploser ses vitraux. « Je me souviens ce soir-là avoir disputé les paroissiens, leur avoir dit que s’ils ne se bougeaient pas, l’église finirait par devenir un musée. » Dans la quête, un billet de 500 euros, et dans l’assistance, lady Michelham. L’Anglaise devient mécène de l’église et l’aide à en trouver d’autres.
Chevalier des arts et des lettres
En 2017, alors que l’église est fermée pour permettre sa restauration, Marie-France Jaskula devient chevalier des arts et des lettres. Saint-Joseph doit rouvrir ces 17 et 18 avril. Pour la dame de 69 ans, cela représente beaucoup. C’est là que la messe funéraire de son mari a été célébrée. C’est là aussi que ses petits-enfants ont été baptisés. « C’est l’aventure d’une vie. L’église m’a donné beaucoup de joie, de souffrances aussi. Elle n’est pas très différente du monde. Il y a des caractères et des tempêtes à affronter. C’est aide-toi et le ciel t’aidera, mais Dieu m’a toujours donné ce dont j’avais besoin. » Il lui laisse une feuille de route : l’orgue, le chemin de croix et le presbytère ont eux aussi besoin d’une résurrection.
Photos : S. Candelier
Bio express
1983 : le moment où je suis entrée au CIPAC, le centre de formation des animateurs en pastorale.
1993 : le classement de l’église aux Monuments historiques.
2007 : le moment de la prise de conscience qu’il fallait rénover l’église et ses vitraux.
2017 : le moment où j’ai reçu ma médaille.
2021 : la réouverture de Saint-Joseph.
Coups de coeur
Notre Dame de Czestochowa. C’est l’église polonaise de Roubaix. J’admire le travail de mosaïque à l’intérieur, le chemin de croix en fer forgé. Il y a une telle atmosphère à l’intérieur et un tel respect pour Jean-Paul II.
La mairie de Roubaix. Elle est magnifique et représente la vie des hommes et des femmes tout autant que de l’industrie textile de l’époque. J’aime tout ce qui porte témoignage.
Le boulevard d’Armentières. Il y a des constructions anciennes, des maisons magnifiques. Son patrimoine architectural vaut le détour.
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Au sommet des églises de #Roubaix ⛪ - #JEP2019 épisode 2
— Ville de Roubaix (@roubaix) September 8, 2019
Exceptionnel ! Cette année, pour les @JEP, partez à la découverte des chantiers de restauration des églises Saint-Martin et Saint-Joseph https://t.co/l4Q3nh0Gdi