[Portrait] Clara, Roubaix-Détroit même(s) combat(s)
Publié le 21 décembre 2023|
Clara Yvard a 27 ans. Mais aussi six et cent. La réalisatrice a passé les cinq dernières années de sa vie à porter un projet documentaire hors norme. À bout de bras et de cœur. Cette web-série inédite, qui fait dialoguer quatre artistes activistes de Détroit et quatre de Roubaix, sort en juin, pile pour le festival Urbx.
Bio Express
15 juin 1996 : « Ma naissance au Mans. »
2018 : « Burn-out et déclic. Ce que je fais ne me rend pas heureuse. »
2019 : « Rencontre avec Marie Dumoulin des Docs du Nord. »
Juin 2024 : « Sortie du web-documentaire From Roubaix to Detroit. Une naissance. Une délivrance ! »
Devant La Fabrique – France Télévisions à Lille, où elle s’est enfermée dans un studio de montage, et où nous la retrouvons, Clara s’accroche à sa cigarette, comme à ses rêves et ses convictions. La web-série qu’elle est en train de finaliser est l’aboutissement d’un long parcours, semé de joies, de belles rencontres, de moins belles aussi, de moments de découragement, de solitude et de doutes.
En quête de soi et de sens
Est-ce sa mère psychologue ou son père journaliste ? Parce qu’elle les a vus suivre leur voie avec passion ? Ou simplement, parce que c’est elle, Clara. Petit bout de femme qui s’est cherchée, se cherche et se questionnera toujours. En 2017, celle qui rêve d’écriture et d’images s’installe au Canada pour un master en communication/cinéma. « Depuis Windsor, j’apercevais Détroit au bout du pont. » À 20 ans, Clara le traverse et passe derrière le miroir. En sortant de sa zone de confort, elle s’émerveille : oui des initiatives formidables peuvent émerger du chaos urbain et exister pour de vrai. Révélation. En 2018, elle est attachée de presse à Paris, court partout mais tourne en rond. Prise de conscience. « Ça manquait de sens, j’avais besoin de partager ma vision du monde de façon créative. » Clara boucle un master en écritures documentaires.
Roubaix une rencontre
En discutant de l’énergie de Détroit avec une amie, celle-ci lui apprend que, contrairement à l’image que Roubaix peut avoir, c’est là que Clara peut retrouver ce souffle créatif, cet élan de (sur)vie. Le parallèle entre la ville du Michigan, berceau de l’industrie automobile américaine et de la musique soul, et Roubaix, capitale textile autrefois florissante, est évident. Toutes deux ont connu l’essor et le déclin ; toutes deux se relèvent à travers des initiatives audacieuses. Résilience. Go to Roubaix ! Clara pousse les portes et pénètre les entrailles de la ville du Nord, parce « c’est comme ça qu’on connaît vraiment une ville, en allant à l’intérieur, au-delà des façades et des a priori ». En 2019, la rencontre avec Marie Dumoulin de la société de production roubaisienne Les Docs du Nord est déterminante. « Ton sujet, moi j’y crois ! » dit-elle à Clara, soudain reboostée. « Pour aller au bout d’un tel projet, il faut être très fort mentalement. On essuie beaucoup de refus. J’ai vendu des sandwiches, connu la précarité. Si la tentation de baisser les bras survenait, je pensais aux artistes que je souhaitais mettre en lumière et défendre. »
« Pour aller au bout d’un tel projet, il faut être très fort mentalement. »
Huit artistes vus par une artiste
« Moi qui cherchais le sujet qui me ferait naître en tant qu’artiste, j’ai imaginé mettre en parallèle Détroit et Roubaix à travers des portraits d’artistes, représentant les quatre domaines des cultures urbaines. C’était l’idée. Mais je fais partie d’une génération où tout a déjà été fait ; il était impératif d’innover. » D’abord pensé comme un « unitaire », un documentaire de 52 minutes, le projet prend la forme d’une web-série de quatre épisodes de 13 minutes chacun.
On y découvrira les portraits de huit artistes, croisés avec grâce et sensibilité : Boogie Brown/Punchlyn (rap), Sydney James/ Papysse (street art), Roselyne Karamoko/Kaiss (mode), Biba Bell/Omoï (danse). Les protagonistes américains sont reconnus, les Roubaisiens des artistes émergents. On les suivra dans divers lieux alternatifs.
L’été dernier, Clara a tourné à Roubaix et côté Détroit c’est Jonathan Chatten, du coproducteur Black Pepper Studio, qui a assuré les prises de vue, sous la direction artistique de la jeune réalisatrice. Celle-ci s’est entourée de talents roubaisiens, dont un ingénieur du son, ancien élève en BTS audiovisuel à Jean Rostand et un motion designer diplômé de l’ESAAT. Le lancement de From Roubaix to Detroit sera multi-canal (TV, web, réseaux sociaux…) et fera l’objet d’un rendez-vous inédit lors du festival roubaisien des cultures urbaines Urbx en juin. Où l’on célèbrera l’art comme outil de lutte, qui réveille les imaginaires et redonne foi en l’humanité.
Coups de Coeur
La Condition Publique : « Un lieu qui bouge beaucoup ! »
Les Trois Tricoteurs : « Une bonne énergie ! »
La Manufacture : « Un très beau musée. »
Chez Rita : « Pour le lieu et les gens… un lieu de partage dingue, qui me rappelle Détroit. »
Crédit Photos : Anaïs Gadeau, service Communication, Ville de Roubaix