[Portrait] Paulo fait croquer les petits des quartiers
Publié le 20 mars 2024|
César-Paulo Massano, cofondateur de l’association Da-Mas, a été récompensé en 2021 lors de la cérémonie des "Prodiges de la République" pour son parcours « méritant et inspirant » et son investissement « au service de la collectivité et des autres ». Un aboutissement ? Plutôt une nouvelle étape pour ce roubaisien altruiste et hyperactif.
Bio Express
6 mars 1980 : Naissance
1993 : « l’année où j’ai perdu mon frère »
2001 : création de l’association DA-MAS
1er aout : tous les ans, Nos Quartiers d’Eté au Parc des Sports
15 juin 2024 : prochain concours d’éloquence au théâtre Pierre-de-Roubaix
César-Paulo Lopez (on l’appellera Paulo, comme tout le monde) est une personnalité reconnu du tissu associatif roubaisien. S’il nous avoue préférer rester dans l’ombre, il n’a pas pu échapper à notre souhait de le mettre en lumière. D’origine Cap-Verdienne, il a grandi dans le quartier de la Potennerie, dans un environnement « éclectique ». Des voisins espagnols, italiens, portugais, polonais et un noyau familial solide qui lui a permis de ne pas s’égarer : « On avait deux issues : réussir à l’école ou trainer dans la rue. Mais on savait ce qu’était le bien et le mal...».
De la Potennerie à Skyrock
Passionné de musique et de sport depuis l’enfance, il se souvient d’une forte émulation amicale dans ces deux domaines : « Quand on se lançait dans une discipline, c’était pour y aller à fond, avec l’envie d’être le meilleur.». Le foot, le basket et la danse dès 9 ans avec « Dans la rue la danse » où il côtoie le regretté Oswald Sanches. Dans les années 90, il baigne dans le hip-hop et le graff’. En écoutant MC Solaar, NTM, les Democrates D, il découvre des artistes qui parlent de son quotidien au quartier. La musique devient un moyen de s’exprimer. C’est la naissance, en 1996, du collectif Da-Mas, avec l’objectif « d’écrire les meilleurs textes, d’organiser les meilleures soirées, de préparer les meilleurs concerts dans les centres sociaux et les lycées…”. Un bouillonnement créatif qui forge le caractère : « On cherchait toujours à se dépasser. Ne jamais critiquer l’autre, mais essayer de devenir meilleur. C’est ma philosophie de vie. Quand je vois quelque chose de bien, j’essaie de le faire en mieux. ». Des principes, issus des préceptes de la Zulu Nation, qui continuent à influencer l’association Da-Mas.
Si Roubaix est aujourd’hui bien représentée sur la carte du rap en France (Gradur, Zkr ou Bekar), Paulo salue les anciens qui ont posé les premières pierres de la scène locale : Malik, qui travaille aujourd’hui au FLOW, Foudealer, Kadour (HK) et Saïd de « Juste Cause » qui formeront ensuite le « Ministère des Affaires Populaires »… Mais le territoire manque encore à l’époque de structures pour se professionnaliser. Etudiants, les membres de Da-Mas transforment le collectif en association, ce qui leur permettra de financer leurs ambitions et l’enregistrement de leur 1er CD « Tiens ton style ».
Repérés par Skyrock, ils participent au concours Max de 109, qui révèlera notamment La Fouine. « A 20 ans, on n’était pas nombreux à l’époque à être allés à Paris. A notre retour on a été sollicités par les centres sociaux et les mairies pour faire des ateliers d’écriture auprès des jeunes. Grâce à la musique, on pouvait faire passer des valeurs et des messages positifs. C’est devenu notre méthodologie ».
Le hiphop, une culture à valoriser
Avec un BTS en commerce international et des études d’éducateur spécialisé, il comprend l’importance des voyages et de la médiation pour aider une population souffrant des préjugés. Un stage à l’ALEFPA confirme son intuition : l’insertion par la Culture et le Sport sont des leviers pour «faire briller les jeunes». Sa culture hiphop, le hiphop, est désormais vraie ressource à valoriser : « Dans ma jeunesse, Sardou et Claude François étaient les stars. On avait nos propres artistes, Dee Nasty, l’émission H.I.P.H.O.P. mais on n’aurait jamais pensé que ça allait durer… La nouvelle génération grandit avec Gims et Booba à la télévision ! La représentation est différente. Ces artistes sont des entrepreneurs, des chefs d’entreprise, des exemples en matière de professionnalisation.»
Où sont les espaces d’expression pour les jeunes ?
Avec Da-Mas, depuis 20 ans, projet par projet, il va investir de nombreux domaines : aide à l’insertion, lutte contre les discriminations, sensibilisation aux addictions, permanence sociale… Des idées très concrètes, piochées lors de nombreux échanges internationaux (Portugal, Belgique, Etats-Unis, Québec, Cap –Vert), mais toujours orientés vers la jeunesse et son envie d’exister : « Pourquoi certains jeunes ont des difficultés à s’émanciper, à prendre leur place dans la société ? Alors que leur moteur principal est la volonté d’exister (on le voit sur les réseaux sociaux, avec la recherche du like et de la visibilité), quel espace leur est dédié? Où sont leurs espaces d’expression ? ». C’est donc la mission que s’est donné Da-Mas, comme lors de ces rencontres police-population où les jeunes des quartiers peuvent dialoguer avec les forces de l’ordre et de sécurité, en cassant les préjugés : « dans un quartier où il y a beaucoup de tensions, ça fait du bien, ça apaise.»
Un des plus beaux succès de l’association est le rendez-vous des « Quartiers d’été », qui va fêter sa 10e édition le 1er aout : « La 1ere fois on avait booké Aya Nakamura (voir les photos en ligne sur leur site). Ça a fait un gros buzz. Quand on voit où elle est aujourd’hui… je souhaite la même chose pour les artistes de Da-Mas ! »
« Je fais tout ça par Amour ! Rendre service à la société, c’est le but de jeu non ? »
Comment envisage-t-il l’avenir, le sien et celui de l’association ? « Y’a encore du boulot ! J’aime mon rôle de transmission, de mise en relation. Je montre l’exemple, humblement. Si j’ai réussi à construire quelque chose, c’est que c’est possible pour tout le monde. Mais attention, on passe de bons moments entre amis, autour de la musique, mais on charbonne ! Aujourd’hui on veut créer une école de formation du hiphop. On souhaite former les artistes, les accompagner vers la professionnalisation, donnez des clés sur le marketing, l’ingénierie, l’écriture. »
La ville de Roubaix a invité Da-Mas à rejoindre en fin d’année l’espace Linné dans le Nouveau Roubaix. Un bâtiment plus grand qui leur permettra de développer certaines activités (salles de danse, studio d’enregistrement) et de travailler avec d’autres acteurs locaux.
Ses coups de coeur
Passé : « L’Hôtel de la Musique, rue de Babylone, c’était THE PLACE TO BE pour faire du son »
Présent : « Le siège de Da-Mas, 8 rue des fossés »
A venir : « L’espace Linné, notre prochain siège, dans le Nouveau Roubaix »
Crédit Photos : Anais Gadeau, service Communication, ville de Roubaix