Sylvain Groud, danser Roubaix
Publié le 25 janvier 2018|
Sa démarche est danse et son œil aux aguets. Dans les coulisses du Centre chorégraphique national - Ballet du Nord (CCN) dont il prendra la direction en avril, Sylvain Groud occupe l’espace comme il occupera demain le territoire, fil rouge de son projet qu’il a subtilement et logiquement appelé « CCN et vous ».
« Je conçois ce nouveau projet, comme je conçois chaque rencontre artistique et humaine : me faire comprendre et accueillir. » Descendre du plateau, la scène. Emmener le public là où on l’attend le moins. Aller sur le territoire de l’autre. L’inviter sur le sien : c’est la marque de Sylvain Groud et celle avec laquelle il marquera de son empreinte le CCN.
Á la scène, comme à la ville…
« Je suis venu tardivement à la danse – à 16 ans et demi – mais une question s’est très vite posée à moi : pourquoi je danse et surtout pour qui et sur quel territoire ? ». Cette question trace le chemin et l’histoire de Sylvain Groud. Après onze années comme interprète à Aix-en-Provence chez Angelin Preljocaj, où il passe progressivement à la création, il crée sa compagnie MAD, en Normandie. Dès lors, l’interprète et chorégraphe contemporain investit avec ses danseurs des lieux inédits : parcs publics, transports en commun, lieux de soins, établissements scolaires… Des expériences riches de sens et en émotion qu’ils ramènent ensuite au plateau. Ses spectacles vivants toujours orchestrés en live, interactifs avec le public et même participatifs – les trois axes de son travail de recherche chorégraphique – sont le fruit de cette démarche, cet « aller-retour délicieux, dit-il, entre le plateau et la ville » qui fait sa singularité dans l’univers chorégraphique français.
Roubaix est un territoire d’une densité et d’une intensité à la hauteur d’un projet comme celui que je défends, c’est-à-dire descendre des temples de la culture. La démocratisation culturelle n’aura lieu que si l’artiste vient vers les publics.
Les Roubaisiens et les habitants des Hauts-de-France en auront bientôt la démonstration. Même s’il tient à « rester dans l’hyperacuité, l’hypersensibilité » et finalement « la fragilité » propres à la création, à 48 ans, l’âge de la maturité et de la stature conférées par quinze années de direction artistique, Sylvain Groud a choisi de répondre à la consultation lancée par le ministère de la Culture pour la direction du CCN. « Roubaix est un territoire d’une densité et d’une intensité à la hauteur d’un projet comme celui que je défends, c’est-à-dire descendre des temples de la culture. La démocratisation culturelle n’aura lieu que si l’artiste vient vers les publics. » Sylvain Groud ambitionne ainsi de créer un CCN mobile investissant les zones blanches de notre région, là où, traditionnellement, le spectacle n’entre pas.
CCN et vous !
Cette itinérance de l’œuvre se fera à Roubaix, déjà, au travers d’un projet conçu avec son complice et directeur adjoint, Denis Lucas, et construit avec les « acteurs qui font la réalité poétique du territoire » : le musée La Piscine, La Condition Publique, la Compagnie de l’Oiseau-Mouche, Le Gymnase CDCN, Le Fresnoy, l’association Parkour59, etc. Sylvain Groud en a déjà rencontré une trentaine. « Il est absolument question de faire avec eux, d’ajouter ma spécificité aux leurs, de co-construire et faire en sorte que chacun apporte son expertise et sa force au projet global qui est de s’épanouir à travers une œuvre artistique. »
Investir des endroits insolites, comme la gare ou le parc Barbieux. Danser à La Piscine. Aller vers le public et le faire venir au CCN. Y inviter des chorégraphes et des artistes de tout horizon, musiciens, comédiens, metteurs en scène… pour faire rayonner la structure au niveau national et international : c’est tout cela à la fois le projet de Sylvain Groud. « Mon projet s’appelle “CCN et vous”. On peut y entendre “Bougez-vous“, “Mobilisez-vous“, mais aussi “C’est le vôtre“. J’aspire à ce que le CCN devienne un endroit ressource où l’on puisse apprendre, rêver, partager. Mon projet sera réussi si tout Roubaisien à qui l’on demande ce qu’est le CCN, répond : c’est l’endroit où l’on fabrique la danse ! ».
Bio expresse
- 1969 : Naissance à Bondy
- 1991 : Diplômé du Conservatoire national supérieur musique et danse de Paris
- 1992 : Entrée au Ballet Preljocaj
- 2002 : Création de sa compagnie MAD en Normandie
- 2018 : Nomination à la direction du CCN de Roubaix
Les coups de cœur de Sylvain
Les Roubaisiens. Ceux que j’ai rencontrés déjà, mais ceux aussi que je regarde, que j’observe dans tous les espaces de vie, leur histoire, ce qu’ils ont vécu jusqu’à présent et ce que, j’espère, on vivra ensemble demain.
Baraka. Peut-être parce que c’est l’un des premiers endroits que j’ai rencontré, mais aussi pour son esprit participatif. L’économie solidaire et durable est un sujet qu’on doit absolument avoir en tête si on veut s’en sortir. Baraka défend cela.
La Condition Publique. Je m’y sens bien. C’est un lieu où l’on rêve et où l’on expérimente des choses, un endroit où l’on rencontre l’autre pour essayer de s’enrichir.