[Commerce] Boucherie Hervé : du cheval sinon rien
Publié le 6 février 2024|
Suite de notre série sur les commerces roubaisiens « historiques »… Nichée à deux pas du boulevard de Fourmies, la boucherie chevaline existe depuis 1961. Hervé et Virginie Andries y accueillent depuis 2009 les amateurs de viande de cheval, venus de loin. Une adresse rare, de connaisseurs.
« Bonjour ! », saluent en chœur deux retraités. « Bonjour Monsieur et Madame B. ! Votre colis est prêt », répond Virginie Andries au couple d’habitués. Ces clients viennent depuis 30 ans et ont connu la boucherie chevaline à l’époque du père du gérant actuel, Hervé Andries.
Un marché de niche, une viande de premier choix
Sa consommation n’est pas approuvée par tout le monde, c’est même un sujet clivant, voire même parfois un tabou. « Quand on nous demande notre métier, on dit qu’on tient une boucherie, sans préciser que c’est une chevaline », se résigne le couple de commerçants. « Je dis toujours qu’on ne franchit pas la porte d’une boucherie chevaline par hasard. C’est souvent parce qu’on en a mangé dans son enfance », souligne Virginie.
Le cheval est une viande de connaisseurs, une viande qui serait réputée « saine », consommée pour son apport en fer, et parce qu’elle serait la moins grasse des viandes rouges. « Le cheval est un animal qui se nourrit bien et ça fait aussi la différence », souligne l’artisan.
À Roubaix, toutes les générations se pressent à la boucherie Hervé. Des seniors, mais aussi des jeunes couples avec enfants, ou sans enfants d’ailleurs. Avec une moyenne de 400 clients par semaine, la seule boucherie chevaline de Roubaix, et l’une des dernières de la métropole, attire les « hippophages » de toute la région. « Certains viennent toutes les semaines, d’autres une fois par an pour le rôti de Pâques ou de Noël, raconte Virginie Andries.
Aujourd’hui jeudi, c’est la journée « cœur et foie ». Les commandes sont prêtes et les clients défilent, pour un steak, un filet américain ou encore un saucisson de cheval féculé, une spécialité appréciée à l’apéritif. « Sur place, nous préparons tout ce qui est viande avec découpe, explique Hervé Andries. Notre fournisseur exclusif nous réserve les meilleures pièces, en provenance d’Union européenne (Belgique, Pays Bas, Danemark, Suède ou Espagne). Côté charcuterie, nous travaillons avec des maisons reconnues pour la qualité de leur savoir-faire. »
Éthique et sens du travail
Le boucher en connaît un rayon. Il a été désosseur en Belgique, avant de reprendre la boutique en 2009 à la suite de son père, qui lui-même la tenait depuis 1988, à la suite de M. Delrue installé depuis 1961. Quand il travaille une carcasse, il veille à l’optimiser. « Contrairement à la grande distribution qui peut gâcher jusqu’à 70% de la bête, moi je fais attention à l’utiliser au maximum, par souci économique, mais aussi par respect pour l’animal. »
Hervé Andries, qui n’avait pas la vocation de commerçant, ne se voyait pas forcément reprendre l’affaire paternelle. « Je n’aurai pas imaginé le faire sans ma femme. Elle dans la boutique, moi derrière dans le laboratoire, ça tourne. »
Pour ces deux enfants de commerçants, l’histoire de la boucherie chevaline se vit à deux et à temps plein, à raison de 70 heures par semaine. « Nous habitons sur place, sinon c’est impossible. Certains auraient souhaité que l’on ouvre tous les jours, y compris le dimanche matin, mais il faut savoir faire des pauses, pour la santé et la vie de famille », confie le couple qui a élevé trois enfants, qui tous, ont suivi ou suivent des études supérieures. Aucun d’eux ne reprendra la suite de leurs parents. Mais alors qui ? « C’est hélas devenu très compliqué pour un jeune de s’installer à son compte, déplore le boucher. Les banques ne suivent pas. »
94, rue Carpeaux
andriesherve.site-solocal.com
0320752341
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Ouvert lundi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi de 8h30 à 12h30 et de 14h30 à 19h. Fermé le mardi et le dimanche
Le boucher redistribue les restes alimentaires ; les contenants et sacs personnels sont les bienvenus. Il met des cartons, des seaux et des plats en plastique à disposition des clients, et pratique le compostage.
L’hippophagie : une histoire française
L’hippophagie est une pratique ancestrale qui demeure sans cesse questionnée à travers les époques et les cultures, au point d’être souvent tabou, plus que jamais à l’époque de la défense de la cause animale et la massification du végétarisme. En France, la consommation de viande de cheval par habitant est supérieure à la moyenne mondiale. Entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, sa consommation s’y trouve à son apogée. La pratique s’ancre de façon durable dans les conduites alimentaires des habitants du bassin parisien, du nord et du centre de la France, en particulier dans les zones urbaines et chez les couches populaires et moyennes. Le climat favorable à l’hippophagie s’estompe cependant durant la seconde moitié du XXe siècle. La consommation française de viande chevaline a ainsi été divisée par 8 ces 40 dernières années (FranceAgriMer, 2015). En 2019, la consommation moyenne était de 0,1 kg par habitant et par an, et seuls 4 % des foyers français achetaient de la viande de cheval au moins une fois par an.
Crédit Photos : Anais Gadeau , service Communication , ville de Roubaix