Derniers déjeuners au Café Jean
Publié le 26 avril 2022|
Pour cette institution roubaisienne ouverte depuis 1933, le compte-à-rebours a commencé. Fin juin, le chef Christian raccroche définitivement le tablier.
Les habitués du Café Jean vont se sentir bien orphelins cet été. Christian, qui avait rejoint l’établissement de sa mère Marie-Louise en 1990 a décidé de prendre sa retraite… bien méritée ! « Ma mère a repris en 1956 le café dinner que ma grand-mère flamande Carla a ouvert en 1933. » Le chef aime raconter l’histoire familiale, intimement liée à celle du restaurant, où sa fille Sandrine l’épaule.
Un café-brasserie « dans son jus »
Comme chez mamie, la déco est chaleureuse et authentique, et à table, on se passe sans se lasser des plats généreux et gourmands en inox, qui ne sont pas sans rappeler la cantine. Entrer dans le Café Jean, c’est pénétrer une bulle spatio-temporelle, faire un voyage dans le temps, direction le 20e siècle, chez Tata Michèle.
Le bois domine, les objets de déco sont un peu kitchs, un rien rétro. Séquence nostalgie. Au-dessus de la cheminée rustique, le portrait de Marilou, Marie-Louise, la maman de Christian, la « patronne », qui a pris sa retraite en 1990. « Ce tableau nous a été offert à l’occasion des 82 ans de ma mère par le peintre Guillaume Caron, qui habitait pas loin et qui, avant de déménager en Belgique, était un habitué », raconte Christian. Celle qui avait de l’aveu de son fils « un caractère bien trempé », semble, à travers la peinture, toujours veiller sur les lieux.
Une histoire de famille
89 ans ! C’est l’âge du Café Jean. En 1933, la façade est plus discrète, juste deux petites fenêtres et un panneau qui annonce « Hier spreken we vlaams » (« Ici on parle flamand »). « A l’époque, c’était un café dinner, explique Christian. Carla ma grand-mère paternelle proposait juste un plat du jour, et une soupe ! » Jusqu’à aujourd’hui, chaque repas servi au Café Jean, commence par un potage de bienvenue, cuisiné à partir des légumes qui restent. Comme à la maison, selon le bon sens de la ménagère qui a le souci de ne pas gâcher. Le Zéro Déchet avant l’heure.
Jean, le mari de Marilou est chauffeur-livreur chez GBM. Le café qui a pris son nom -Chez Marilou aurait eu une autre connotation– est une affaire de femme. Sauf que le petit Christian commence très tôt à traîner dans les tabliers de sa cheffe de mère. « J’étais plutôt turbulent à l’école, alors je préférais venir aider en cuisine, éplucher les légumes, etc., et ce, dès mes 9 ans. » Sur les conseils d’un professeur, il fait l’école hôtelière Michel Servais. S’en suit une expérience inoubliable dans la Marine nationale (Brest, le porte-hélicoptère Jeanne d’Arc…), puis un passage dans plusieurs cuisines. En 1990 enfin, il rejoint Marilou. Mère et fils font désormais tourner ensemble le Café Jean.
La tradition a du bon
On vous a parlé de la soupe de légumes, servie à la louche depuis des décennies. Parlons du reste. « Je fais tout maison, clame fièrement Christian. Le jambon, le saumon, le pâté, la vinaigrette et la mayonnaise (NDLR : sans oublier l’omelette norvégienne, voir la vidéo à la fin de cet article)… Bon juste la salade… », avoue le chef qui s’affaire seul en cuisine. « Pour les légumes, je travaille avec un sincier (fermier en chti), pour la viande avec un chevilleur. »
A la carte du Café Jean, de la bonne cuisine traditionnelle française donc, comme on l’aime, comme les restaurants n’en proposent plus guère. Sur l’ardoise, plusieurs plats du jour, selon l’humeur du chef et le marché du moment.
Ce jour-là, c’était Carbonade flamande. Nous étions dix autour de la table, et nos yeux n’en revenaient pas de la taille des « beefsteaks » servis avec une gentillesse extrême par Isabelle. On s’est passé les frites et la « mayo » maison, on a ri, on aurait presque chanté. Merci.
[Photos : Anaïs Gadeau – Ville de Roubaix]
Chef on a besoin de vous ! Il faut flamber l'omelette !
[Vidéo : Christelle Taczala – Ville de Roubaix]
Infos pratiques
Café Jean
230, Bd Gambetta – ROUBAIX
Tél. : 03 20 73 95 23
Ouvert le midi du lundi au vendredi