Docteur Lamarre : « il faut se protéger pouvoir soigner les autres maladies »
Publié le 21 décembre 2020|
Il exerce à Roubaix depuis 1994. Le docteur Christophe Lamarre soigne les habitants avec passion et cœur. En pleine crise pandémique mondiale de COVID-19, il tente d’expliquer aux patients qui le consultent l’importance de rester sur ses gardes et de protéger ses proches.
C’est quoi la COVID-19 ?
«La maladie s’appelle la covid-19 et le virus est un coronavirus appelé sars-cov-2. Il est extrêmement contagieux. Le virus que nous combattons toutes et tous actuellement déclenche des symptômes très variés, lesquels peuvent être très différents selon les personnes, y compris dans leur intensité. Certaines personnes seront presque totalement asymptomatiques et d’autres pourront en quelques jours seulement avoir besoin d’être hospitalisées en urgence et parfois soignées en soins intensifs ou dans un service de réanimation, parfois en coma artificiel pour supporter la machine qui les fera respirer et le tuyau qui par la bouche traverse la gorge pour aller jusqu’à l’entrée des poumons. L’hospitalisation peut parfois durer plusieurs mois, et malheureusement, certaines personnes particulièrement fragiles ou d’autres, atteintes d’une forme particulièrement grave de cette maladie peuvent en mourir. Mes associés et moi avons tout vu, y compris des personnes partir en 8 jours malgré tous les soins possibles. Cela reste excessivement rare, cependant il n’est pas rare d’être obligatoirement hospitalisé pour pouvoir respirer de l’oxygène pur. Les signes de cette maladie ressemblent le plus souvent au début d’une grippe, avec une fatigue intense, des douleurs musculaires, des frissons, de la fièvre et assez souvent des maux de gorge. Le nez ne coule pas mais on pourra parfois ne plus sentir les odeurs ni avoir le gout des aliments dans la bouche. On peut aussi avoir des maux de ventre et la diarrhée, comme des signes de « grippe intestinale », lesquels sont parfois les seuls signes de la maladie, ou son début.
Mes associés et moi avons déjà vu des cas très graves. Enfin, mais on ne découvre qu’au fur et à mesure les différents problèmes : le cerveau peut être atteint et cela sans que l’on en connaisse encore bien les conséquences à terme, pas plus que pour le cœur, les poumons ou les vaisseaux d’ailleurs, ni quoi que ce soit d’autre quand une partie du corps est atteinte par le virus. La conclusion à tirer de ces explications est premièrement, qu’au moindre signe anormal il faut vite aller se faire tester, en priorité par prélèvement nasal car l’autre test dit « antigénique » est beaucoup moins fiable.
Deuxièmement, il vaut mieux éviter d’avoir cette maladie. Une certitude : dans 10 à 15% des cas la maladie va nécessiter une hospitalisation pour les personnes dites à risque, ne serait-ce que pour respirer de l’oxygène pur. Or, hospitaliser 10 à 15% d’un nombre de personnes contaminées en même temps très important, cela ne sera pas possible dans un système hospitalier où le nombre de lits et de personnels soignants ont leurs limites. Une fois saturé, l’hôpital ne pourra plus accueillir les malades touchés gravement par le virus, ni surtout prendre en charge les malades atteints d’autres maladies que la Covid, c’est-à-dire jour et nuit, les maladies du cœur, les complications du diabète, les cancers ou tout simplement les accidents. »
On peut transmettre la maladie 48h avant d’en ressentir les symptômes
Comment expliquez-vous cette pandémie aux patients ?
« Toutes et tous ont un grand-père ou une grande tante qui sont soignes régulièrement pour une maladie chronique, comme par exemple un diabète, des problèmes cardiaques ou respiratoires, un petit frère qui a dû se faire opérer, un plus grand qui a eu un accident ou encore une maman qui a dû se rendre aux urgences, y compris eux-mêmes, parfois pour éviter une maladie encore plus grave ou être sauvé de la catastrophe. Je leurs explique qu’à cause du virus, le système de santé complètement saturé pourrait ne plus correctement soigner l’ensemble de la population. Or, les personnes atteintes de maladies chroniques sont malheureusement beaucoup plus nombreuses à Roubaix que dans la moyenne de la population en général, et il y a urgence à reprendre les soins normalement. Pour pouvoir revenir à la normale, j’explique aux patients qu’il faut se protéger du virus et ainsi laisser la place aux gens malades qu’ils connaissent, jamais à l’abri de complications ou d’une aggravation de leur état de sante. Ils le comprennent tous immédiatement quand on leur parle d’êtres chers de leur propre entourage. »
Se protéger, concrètement, cela signifie quoi ?
« Il faut absolument comprendre que l’on peut transmettre la maladie à quelqu’un dans les 48h avant d’en ressentir les premiers signes : une fatigue anormale, des frissons, des courbatures, un petit mal de gorge… la base de la protection, le premier des gestes barrières, c’est de se laver les mains correctement et régulièrement, ou de se les frotter avec un gel hydro alcoolique aux normes, à chaque fois qu’on a touché des objets ou des surfaces a l’extérieur de son foyer, dès qu’on est rentre à la maison et avant de manipuler son masque si on doit le faire. Toucher son masque avec les doigts non propres est formellement proscrit. Cela signifie aussi qu’il faut éviter de toucher inutilement des objets ou des surfaces ainsi et surtout que d’autres personnes. Dans son foyer, avec son conjoint et ses enfants, évidemment, on fait ce qu’on peut, une fois que tout le monde est rentré et s’est lavé les mains, et au mieux a changer d’habits. Au-delà de la famille proche et directe, cela implique qu’on ne doit pas serrer la main, ne pas s’embrasser. Se dire bonjour en se « chekant » les poings, ce n’est pas bon non plus. A la limite, avec les coudes, mais si on peut éviter de se toucher, c’est mieux. »
Si une seule personne ne porte pas le masque, c’est comme si personne ne le portait
Qu’en est-il du masque ?
« C’est évidemment un autre geste barrière primordial. Lors de déplacements, dans les transports, au travail, dès que l’on est susceptible de croiser d’autres personnes, il faut le porter en permanence. L’idéal est de porter un masque « FFP1 », c’est-à-dire un masque dit « chirurgical » à usage unique. Ce sont les masques jetables, blancs et bleus, avec des plis. Le masque en tissu peut convenir, mais uniquement s’il est aux normes, changé régulièrement et lavé avec toutes les précautions, à 60 degrés.
Il faut absolument retenir que le masque classique, FFP1 chirurgical à usage unique, n’est utile que si tout le monde le porte en continu au même moment et au même endroit, surtout à l’intérieur et cela d’autant plus qu’il s’agit d’un endroit couvert et ferme avec une atmosphère donc confinée ou l’air n’est pas renouvelé. Si une seule personne n’en porte pas ou le porte mal, c’est-à-dire sous le nez, y compris dans une pièce fermée, cela peut être comme si personne n’en portait. C’est encore plus risqué si cette personne sans masque est très contaminante, parle sans arrêt ou pire encore qu’elle tousse. Les gens doivent fuir ces situations.
Il faut comprendre que le virus très contagieux se trouve également dans l’humidité de l’air que l’on respire en espace clos, en plus des postillons, qui, en parlant fort, peuvent être projetés à plusieurs mètres (jusqu’à neuf mètres lorsqu’on éternue !). Lorsqu’on rejette de notre air par le nez et la bouche, cet air expiré est très humide. Imaginez-vous à l’extérieur en hiver quand il fait très froid quand la vapeur s’échappe de notre nez et de notre bouche. Celle-ci est invisible en temps normal, mais notre respiration en produit en permanence. Les particules virales présentes dans l’humidité de l’air que chacun expire se mélangent à celles de l’air ambiant, s’y concentrent et y restent plusieurs heures en suspension, comme dans un hammam. Cette humidité expirée par le nez et par la bouche va être absorbée en grande partie par un masque dit chirurgical, FFP1, piégeant ainsi en même temps le virus dans ses fibres. Tant que les fibres du masque en seront capables, les personnes présentes dans la même pièce ou le même espace clos ne les inhaleront pas. Un masque devenu humide, car porté plus de quatre heures, sera moins efficace. Surtout, le masque ne protègera que les gens dans un lieu clos le portent tous, sans exception, et à condition de le porter correctement, c’est-à-dire, bien sur le nez et recouvrant également la bouche et le menton. Il n’est en effet pas prévu pour retenir l’air humide qu’on inspire, lequel va immanquablement passer autour par les cotes, le dessus et le dessous, mais surtout pour absorber l’humidité de l’air expire, en plus des postillons qui sont éjectés de la bouche des qu’on parle, a un mètre de distance au moins et plus loin encore plus on parle fort ou qu’on crie. Il est aussi impératif de tousser ou d’éternuer dans son coude, même avec un masque, puis de se moucher et de s’essuyer le nez ainsi que la bouche avec un mouchoir jetable ou de l’essuie tout, puis de bien se laver les mains »
On entend aussi parler de la distanciation sociale, ça signifie quoi ?
« A l’extérieur, ou quand vous êtes dans un endroit clos ailleurs que chez vous, vous devez mettre de la distance avec les autres personnes. Par exemple, au marché, cette distance-là doit être de bien plus d’un mètre. Bien plus encore si vous voyez des personnes sans masque, ou avec le masque sous le nez.
Ce que je conseille quand on est dans un espace clos, ou chez des gens, c’est de premièrement aérer ou de faire aérer la pièce ou les pièces avant de rentrer, en ouvrant par exemple les fenêtres et les portes en même temps et de chaque cote du logement, cinq bonnes minutes, puis de créer régulièrement un courant d’air durant cinq minutes en re-ouvrant une ou plusieurs fenêtre et une ou plusieurs portes, toutes les deux heures environ, sans attendre plus longtemps, surtout si les gens parlent, et d’aérer une nouvelle fois en grand une fois que tout le monde est reparti. »
Que conseillez-vous aux personnes qui participent aux fêtes de fin d’année ?
« Je conseille aux Roubaisiens de rester en petit comité, en famille et idéalement de se contenter de fêter la fin de l’année entre personnes de son foyer. Certes, ne passez pas une soirée comme les autres, mais restez entre vous.
Dans le cas contraire, je conseille d’aérer le logement avant, puis régulièrement comme je l’ai dit, mais aussi de limiter et d’espacer les convives d’au moins un mètre, sans les installer face à face, de parler mais de ne pas élever la voix et de ne surtout pas crier. Dans ce dernier cas de figure, on comprend qu’il faut éviter la consommation excessive d’alcool ou de tout autre produit qui pourrait altérer le discernement. En dehors des moments où vous buvez et où vous mangez, gardez votre masque. Les fous rires dans le coude c’est possible, même si tout le monde le regrette, mais nous auront d’autres occasions, très bientôt je l’espère, d’organiser de grande fêtes et de tous rire aux éclats, en se serrant dans les bras et en s’embrassant autant qu’on le veut.
La plus grande des qualités requises pour faire face à la situation actuelle est la patience. Le respect d’autrui tout autant.
Je sais pertinemment que les habitants de Roubaix, que je connais bien, sont très attentifs à cela. Donc personnellement, je ne suis pas inquiet.
Comment bien entretenir ses masques lavables ?
On peut faire sécher un masque sans le laver à condition d’en avoir au moins quatre et des numéroter. Un par jour et les trois autres jours au moins au séchage, suspendu dans un endroit sec. Cette technique est particulièrement utile concernant les masques dits « canards » ou FFP2, souvent utilises par les professionnels de santé mais que je conseille aux personnes les plus à risque, les personnes âgées de plus de 65 ans, surtout si elles sont en surpoids, soignées pour le cœur, la tension, le diabète, une maladie des poumons ou toute autre maladie chronique grave qui les affaibli en général, comme un cancer par exemple, et bien d’autres.
Ces masques FFP2 doivent leur être réservés car ils sont plus difficiles à trouver et surtout plus chers. En les utilisant seulement dans les lieux clos très fréquentés ou dans les transports, en présence du risque de contagion maximum, on peut fonctionner longtemps avec seulement quatre masques en les laissant sécher au moins trois jours entre chaque utilisation. Laquelle ne doit pas excéder quatre heures, après tout masque est moins efficace et l’humidité emmagasinée peut rendre la respiration à travers un masque canard FFP2 plus difficile, sans que cela ne comporte aucun danger sur ce point pour la sante, il faut simplement faire un effort supplémentaire.
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Prêt de ma carcasse à la municipalité de @roubaix pour exposer oralement, le+ clairement que j’ai pu, les mesures barrières anti-#Covid_19, telles que transmises depuis des mois aux patients du cabinet.#Prudence à #Roubaix comme ailleurs, dès maintenant, pour les fêtes et après. https://t.co/B5TEs5FldS
— Christophe LAMARRE (@doclamarre) December 21, 2020