[Portrait] Soubeda Hassani : un crayon pour compagnon
Publié le 26 février 2025|

Soubeda Hassani a un parcours de vie incroyable. Le mot « résilience » pourrait avoir été inventé pour elle. Aujourd’hui, à 69 ans, elle ne se départit jamais de son grand sourire et nous raconte ses combats.
Bio Express
Juin 2022 : Sortie du Kamishibay, un théâtre pour les enfants dessiné par l’équipe Mélodiffusion
Novembre 2022 : L’histoire du crayon enregistrée et diffusée dans les écoles au Cameroun
3 mai 2023 : Prix reçu pour Le Crayon dans le cadre de la cérémonie Solidarcity
Une seule arme pour ses combats : le crayon ! « Le crayon est une arme. » affirme-t-elle d’emblée. Elle l’apprendra dès l’âge de 7 ans, lorsqu’elle trouve un bout de crayon et un morceau de carton dans la maison qu’elle habite avec ses parents, rue Edouard Anseele à Roubaix. C’est magique, elle écrit quelques mots simples sur le bout de carton. « Mon père m’a battue. Écrire c’est penser, donc c’est comprendre, savoir, contredire, se manifester. » Maltraitée enfant, reléguée à la cave sur un matelas humide, Soubeda s’est mariée à l’âge de 16 ans, forcée par ses parents. « Je ne me plains pas, mon mari était gentil et n’a jamais été violent avec moi. » Cependant, elle ne prenait jamais aucune décision seule.
Première embauche au culot
Elle raconte une anecdote sur sa première embauche. Elle tombe sur une annonce de la Redoute qui recrute dans le journal. Elle demande la permission à son mari qui lui répond : « Je suis d’accord si tu es prise à la Redoute. En revanche, si cela ne fonctionne pas, tu me promets que plus jamais tu ne chercheras de travail ! » Le lendemain, elle se présente à l’accueil de l’entreprise mais personne ne semble au courant de cette annonce. La responsable du personnel vient la voir en personne, Soubeda brandit le journal avec l’offre d’emploi entourée. Il datait en fait de plusieurs années… Touchée par l’anecdote de la jeune femme au sujet de la promesse faite à son mari, elle lui propose alors un travail d’emballeuse. Soubeda élève ensuite 5 enfants, qui ont aujourd’hui entre 37 et 50 ans. Elle travaillera de nouveau, lorsqu’ils auront grandi, dans une maison de retraite.

La révélation Mélodiffusion
Depuis sa retraite il y a 8 ans, Soubeda a fait une rencontre qui a changé sa vie. L’association Mélodiffusion lui a ouvert grand ses portes et l’a aidée à « accoucher » d’un texte, « Le crayon », qui raconte son histoire. Depuis, elle se produit dans les écoles et les centres sociaux de la Ville. Véritable exutoire, ce texte rompt avec un silence bien gardé et ce traumatisme de l’enfance bien enfoui. « Je n’ai pas eu d’enfance » dit-elle. Elle encourage tous les enfants qu’elle rencontre à utiliser le crayon pour dessiner, raconter, transmettre. Soubeda vit toujours dans la même maison, une typique 1930 rénovée avec son mari, très coquette aujourd’hui avec un grand espace de vie « cuisine-salon » très convivial.
« Écrire c’est penser, donc c’est comprendre, savoir, contredire, se manifester. »
La cuisine pour transmettre
Au milieu trône une grande table campagnarde autour de laquelle elle aime réunir sa famille. Et cuisiner. Une autre forme de transmission, qu’elle lie à l’écriture. Elle a d’ailleurs confectionné un livre de cuisine pour sa petite fille, avec toutes les recettes familiales, qu’elle aime partager avec sa tribu. Parmi ses plats « signatures » comme on dit aujourd’hui, Soubeda nous cite le couscous mais aussi la carbonnade flamande et la ficelle picarde, véritables trésors de la cuisine traditionnelle de la région. Avec l’association Mélodiffusion, Soubeda a participé au concours des boulettes organisé à la Condition Publique.
La pimpante retraitée ne s’ennuie jamais. Entre l’écriture, les représentations de son spectacle, elle consacre du temps à ses dix petits-enfants et elle va régulièrement à Paris chez l’une de ses filles. En voisine, elle fréquente assidument la Condition Publique et ne rate aucune Braderie de l’Art ! Elle aime aussi visiter les expositions du Musée La Piscine. La lecture fait partie de son quotidien également : romans, témoignages sur le rôle des parents et la transmission filiale la captivent particulièrement. Elle a de nouveaux projets d’écriture qu’elle murit. Encore plein de crayons qui ne demandent qu’à noircir la page blanche.
Soubeda Hassani : son portrait en vidéo
Ses coups de cœur
L’impératrice Eugénie : Lieu magnifique dont le décor est empreint de l’ambiance du siècle dernier
La Condition Publique : Lieu d’ échanges et de rencontres, le monde à portée de vue à 100 mètres de chez moi !
Le Musée La Piscine : J’en ressors émerveillée comme une enfant à chacune de mes visites, avec l’envie d’y retourner très vite.
Crédit Photos : Anaïs Gadeau, service Communication, ville de Roubaix