[Portrait] Anne Lescieux-Macou, la solidarité porte ses fruits
Publié le 24 août 2023|
El’Cagette est une épicerie collaborative roubaisienne qui donne la priorité aux produits locaux et de qualité. En juin dernier, le hangar qui accueillait l’association a été ravagé par les flammes. Rencontre avec Anne Lescieux-Macou, l’une des co-fondatrices de l’association.
L’héritage roubaisien
Roubaisienne, petite-fille d’ouvrière textile, d’un poinçonneur du Mongy et de concierges de l’usine « Les Laines de Bonne Maman », rue Dampierre, Anne garde le souvenir de la photo de son grand-père et de ses tantes installés sur une péniche, le long du Canal. Elle plaisante en se définissant comme un pur produit de l’histoire de la ville : « J’ai un papa 3 suisses, une maman Damart, et des tontons Phildar ! ». Elle grandit à la Potennerie, « dans les bâtiments rouges ».
Militants à la JOC et syndicalistes, ses parents lui transmettent leur fibre sociale : elle débute sa carrière professionnelle au CCAS de Roubaix (dans les centres de loisir de son quartier). Sa vie familiale et professionnelle l’emmène à Lille pendant 25 ans mais elle revient à Roubaix pour s’investir au sein de l’Université Populaire et Citoyenne. Ses représentations passées de Roubaix s’entrechoquent avec ce qu’elle y redécouvre. Aujourd’hui, elle refuse de cautionner les clichés, négatifs ou positifs, véhiculés par Roubaix : « Il y a dans cette ville une richesse humaine incroyable, de l’entraide et de la solidarité, mais aussi des problèmes d’insécurité routière, de propreté, ou de logement. Roubaix, c’est génial, mais il faut y vivre et y rester ! »
Parce qu’elle est une femme d’action, révoltée par les injustices, elle s’interroge : comment faire avancer les choses, face cette complexité roubaisienne ? Pour Anne, une seule voie possible : construire avec les gens, « en faisant avec l’énergie qui vient ».
El’Cagette, une histoire collective
Le projet El Cagette est né autour de de discussions sur l’alimentation et le bio, pour rendre accessible à tous des produits de qualité. Anne y voit une question de justice sociale. L’aventure collective débute dans un couloir avec quelques bénévoles. En 2023, c’est un lieu de partage où s’approvisionnent plus de 400 « consomm’acteurs ». Le secret : une capacité d’adaptation énorme. Qualité bien utile après l’incendie des locaux…
Anne a été surprise par l’ampleur des témoignages de soutien. Ceux des amis et des familles bien sûr, mais aussi de nombreux « non-roubaisiens », ou même de voisins, qui ne venaient pas forcément dans les locaux mais ont avoué apprécier l’énergie du lieu. « Au-delà du collectif, chacun a été touché personnellement. El’Cagette, c’était apparemment plus qu’un lieu de travail ou un point de vente de légumes... notre histoire parle aux gens. »
Ce sera un leitmotiv tout au long de notre rencontre : Anne parle « collectif ». Elle loue le travail du conseil d’administration d’El Cagette, l’investissement des salariés et des bénévoles, leur résilience. Elle évoque Aurore, Camille ou Jules, des jeunes salariés conscients des enjeux environnementaux qui veulent donner du sens à leur vie professionnelle. Tout cela lui donne de l’espoir.
El Cagette Bio Express
7 avril 2018 : création de l’association El Cagette
1er novembre 2020 : Emménagement au 15, rue de la Providence au 1er jour du re-confinement
14 Juin 2023 : Incendie du local
A suivre…
L’avenir d’El Cagette est en train de s’écrire. Pour Anne, comme pour tous les membres de l’association, l’histoire ne peut s’arrêter là. Parce que les projets sont encore nombreux : ateliers cuisine, programme santé développé avec une diététicienne pour lutter contre l’obésité, projets autour du pain, échanges de conseil entre adhérents autour des recettes… Parce que selon eux El Cagette a toute sa place dans le riche tissu associatif et économique de la ville. Parce que l’inflation et la question de la crise alimentaire sont au cœur de l’actualité. « Le fait de se connaitre et d’avoir l’habitude de faire des choses ensemble a permis de surmonter ou de moins mal vivre la crise du COVID ou des catastrophes comme cet incendie. Grâce à cela, à l’avenir nous serons sans doute moins démunis. Si je suis parfois pessimiste pour la suite, en agissant à son échelle je crois qu’on se sent moins impuissant. »
Ses coups de coeur
- Se promener à pieds ou à vélo le long du canal
- Manger au Métropolitain et boire un verre au Mercado Negro
- Pousser les portes des jardins ouvriers, traverser le parc Barbieux aux différentes saisons
Crédit Photo : Hernan Ameijeiras