Alors que Roubaix ne devait être qu’une étape durant son long voyage de migrant syrien qui devait le mener en Allemagne, Raed El Zouabi a été subjugué par la beauté de la ville aux mille cheminées : « Lorsque j’ai vu la majesté de l’avenue Jean-Baptiste Lebas vers 6 heures du matin, j’ai été émerveillé par la lumière dorée qui illuminait d’un côté la gare et de l’autre l’imposant hôtel de ville. A cet instant, je me suis dit que Roubaix, serait la dernière étape de mon long voyage. » Entrepreneur dans l’âme avec un parcours professionnel riche et varié, le quinquagénaire ne s’est pas posé mille questions quant à son avenir en France. Il a été habitué à changer de métier très souvent, se lancer des défis et réussir fait partie de sa personnalité : « Quand tu es migrant, tu peux faire deux choses pour gagner ta vie : chanter ou ouvrir un restaurant », dit Raed d’un air amusé. Il ajoute malicieusement : « Comme je ne sais pas ni chanter, ni jouer d’un instrument, j’ai opté pour la deuxième solution. »

Mettre en lumière la cuisine syrienne

Ce 30 mai 2017, jour où Raed El Zouabi a décidé de rester à Roubaix, il repère un local vide qui deviendra très vite son premier restaurant de spécialités culinaires syriennes. « J’ai contacté le propriétaire du local, il a accepté de me faire confiance. J’ai réalisé ensuite les travaux et en septembre 2017, j’ouvrais mon premier restaurant : L’Etoile de Damas. » Ayant investi toutes ses économies dans les travaux et le loyer du local, sans argent, Raed se retrouve démuni. « J’ai failli tout abandonner… Puis j’ai demandé aux uns et aux autres de m’avancer les légumes, la viande, les boissons. Je leur ai dit, si je ne peux pas vous rembourser, vous prendrez le magasin. » Pour remercier les personnes qui l’ont soutenu, mais aussi pour promouvoir son restaurant et faire découvrir les saveurs syriennes, Raed offre les repas pendant quinze jours. Cette généreuse façon de se faire connaître a été couronnée de succès : l’Etoile de Damas ne désemplit pas. « Je travaillais sept jours sur sept, de Roubaix, je ne connaissais que deux rues. » Raed nous précise également qu’il ne savait pas faire la cuisine avant de se lancer. « C’est ma mère qui au téléphone m’explique comment préparer les plats que je propose dans mon restaurant. Le téléphone sur l’oreille, je suis ses précieux conseils devant les fourneaux. » Très vite, les élus de Roubaix ont eu vent de cette nouvelle adresse et de son emblématique restaurateur. « La Mairie de Roubaix m’a aidé pour les démarches administratives. Même si j’ai fait beaucoup de progrès en français en apprenant tous les jours des nouveaux mots, l’écrit reste encore compliqué pour moi. »

L’Etoile Syrienne brille à Roubaix

Victime de son succès et porté par une immense vitalité, en 2019, Raed ouvre un deuxième restaurant dans un local plus grand où il peut accueillir tous les amoureux de la gastronomie du Moyen-Orient qu’il a fidélisés depuis son arrivée. « L’Etoile Syrienne concrétise mon rêve de vrai restaurant avec une belle salle et même un salon typiquement oriental. » Et les clients se pressent pour se régaler des généreuses assiettes de mezze : houmous fait maison, caviar d’aubergine, taboulé façon syrienne et de succulentes brochettes grillées, le tout servi avec le pain traditionnel. Repéré par Pôle Emploi dans le cadre d’un plan d’action en direction des entreprises nouvellement créées, Raed a été accompagné pour le recrutement de son personnel et dans ce cadre, il a embauché une personne en emploi franc.

Prodige de la République

L’intégration de Raed depuis son arrivée en France est admirable et exemplaire, cela lui a valu d’apparaître dans la promotion 2019 des Prodiges de la République. « J’ai été très touché de recevoir cette distinction, pour moi c’est un véritable honneur, la belle cérémonie avec Monsieur le Préfet est gravée à jamais dans ma mémoire. »

Aujourd’hui Raed veut oublier la guerre, l’exil et la solitude. Loin de son pays, sa famille lui manque mais il ne souhaite plus en parler et préfère écrire des poèmes pour exprimer sa douleur d’exilé. « Parfois je reste quelques semaines sans avoir de nouvelles de ma famille… C’est difficile… » Mais très vite, la tristesse se dissipe, Raed accueille les clients avec convivialité, car le restaurateur a pour devise : « Un client qui rentre, c’est un ami qui sort. » Mission accomplie !